Mamie
Je n'aime pas la mort, du moins pas son imminence. Si elle doit frapper, qu'elle frappe d'un grand coup sec, par surprise, qu'elle cesse de nous donner le temps de nous habituer à son idée. Par pitié, qu'elle cesse de nous laisser là à l'attendre, résignés. Je déteste ça, ne m'y fais pas, ne m'y ferai jamais. Je ne me résouds pas à observer le déclin d'un proche, je m'agace de sa longueur, je ne veux que des hauts, pas de bas! Et quand le bas doit surgir qu'il surgisse de façon foudroyante, pas de longue agonie, non, s'il vous plaît.
Vue de l'extérieur, ma réaction paraît odieuse, cynique, imbuvable même. Pas de larme, pas de cri, juste une absence et une distance prise (trop) tôt quand je la sens arriver pas à pas. Je sais que le proche ne désire rien tant de me voir dans ces moments-là, il a besoin de revivre, de savourer. J'en suis bien incapable, je préfère fuir et ne garder au fond de moi que les images du bonheur, les images du bon temps. J'ai fui l'image diminuée de mon grand-père il y a quelques années, tout comme je fuis celle de ma grand-mère aujourd'hui. Elle me réclame haut et fort, parle de moi à tous ses enfants, ses petits-enfants, ses arrière-petits-enfants; tous me le relaient. Je ne peux pas, n'y arrive pas, c'est plus fort que moi. Et pourtant, je l'aime cette femme qui a bercé mon enfance de son visage d'ange, de sa douceur aussi. J'ai ri avec elle, partagé tant de choses, de secrets d'enfants. Je devrais trouver ce courage que je n'ai pas, l'accompagner et lui sourire. Elle voit clair dans mon jeu, ne me juge pas mais ne cessera pas de me demander. Peut-être... un besoin réciproque aussi. Je crains ce moment. Je l'aime au fond!
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Si je comprends ton point de vue, veille toutefois à ne rien regretter... Tu es assez grand et intelligent que pour (bien) y réfléchir.
Je t'embrasse
Je te comprends...
Même si je savais qu'elle finirait bien par arriver, je n'ai pas vu venir la mort de mon père. Entré à l'hôpital pour pour des soins de routine, il devait en sortir au bout de quelques jours ; au cours de la nuit précédant la sortie prévue, il s'est plaint de douleurs au ventre. Sachant que mon père ne se plaignait jamais, on s'est inquiété et on a alerté le médecin ; après un nouvel examen on s'est rendu compte qu'il ne passerait pas la journée : un cancer bien discret jusque-là avait fait son oeuvre.
Pour ma mère, quelques années plus tard, il en a été autrement. Je me suis trouvé dans la situation où tu te trouves par rapport à ta grand-mère... Je n'en suis pas très fier et je n'ai pas encore réussi à m'expliquer mon comportement au cours des mois qui ont précédé sa mort. Je suis bien allé la voir à quelques reprises, mais dans mon esprit, c'était comme si elle était déjà partie ; le jour où on m'a annoncé qu'en silence elle s'était endormie à jamais après son petit-déjeuner, je n'ai été ni surpris ni bouleversé... Plus de deux ans plus tard, je ne comprends toujours pas ma réaction. Je crois qu'il faudrait un livre complet pour tenter d'analyser et de comprendre.
Si c'était à refaire, je crois que j'essaierais de mieux comprendre avant, j'essaierais de surmonter mes blocages, afin de pouvoir profiter des derniers moments à partager et d'éviter les éternels regrets... Je crois que j'ai conclu trop tôt au dialogue impossible...
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