23.2.06

En train de lire (ma table de chevet) # 05

Patrick Besson, Lui, Albin Michel, Paris, 2001

Mon (humble) avis :

Etrange que les sentiments qui m'ont traversé à la lecture de ce livre. Tour à tour, j'ai eu envie de rire de ce que je lisais, de pleurer, de brûler ce livre, de le jeter, de pas l'achever, de courir l'auteur et le gifler. Je ne connaissais pas Patrick Besson, j'ai acheté l'ouvrage uniquement sur son 4è de couverture. Erreur ? Je ne sais pas. une chose est sûre, s'il voulait remuer, choquer, chez moi, il a atteint son but. En me documentant un peu, merci le net, j'ai appris d'autres choses sur Patrick Besson qui me font voir son oeuvre autrement. Je crois juste que j'ai encore besoin de la digérer un peu. Je retranscris d'ailleurs ici le texte qu'Alice Granger avait publié sur www.e-litterature.net qui en dit plus et mieux que moi sur l'auteur et son écrit.



A propos de Lui, Patrick BESSON
Editions Albin Michel.


Ce roman de Patrick Besson réussit un tour de force : celui de condenser en une seule analyse la fin d'un couple, celui que le héros du roman faisait avec Mylène, l'analyse de ce monstrueux héros du vingtième siècle que fut Adolf Hitler à partir de son enfance, son père et sa mère, l'échec à l'Académie des Beaux-Arts, et le constat de la victoire actuelle de la Grande Allemagne et de sa zone mark étendue à la Bulgarie, la Roumanie, la Pologne, la Yougoslavie, tous ces pays où les Juifs ont quasiment disparu, cette dernière victoire résonant en concordance avec un style de vie mondialement suivi et pourtant promu par Hitler, à savoir le goût de la nature, l'écologie, le sport, les salles de gym, cette mise en rang pour une vie cool, saine, style jeune bien dans ses baskets comme Hitler dans ses pantalons courts et ses week-ends à la campagne, bref cette victoire au niveau du village planétaire de l'enfance nazie sur l'âge adulte démocratique, ce retour dictatorial sur le mode soft du naïf, du sucré, du simplet, l'idéal étant d'être d'adorables petits bourgeois ne vivant que dans leur confort moral et physique.
Lui, le héros du roman, est riche, directeur d'une agence de publicité, il a tout pour baigner dans un bonheur très confortable. Dans son agence, il est peu à peu étouffé par le climat de forte compréhension affectueuse, désintéressée, démocratique, et à la maison Mylène s'occupe de tout. Sauf qu'elle avait décidé d'avorter de leur enfant, et puis un beau jour de partir. Cette vie si sucrée, si confortable, si à l'abri de tout, ne pouvait durer, une vie ressemblant si étrangement à celle du peuple mis au pas par Hitler, peuple jeune éblouissant son führer, élégant, plein de vie. Mylène s'en va, comme la mère d'Adolf Hitler mourut juste après que son fils lui fit ce mensonge, lui dit qu'il avait réussi l'Académie des Beaux-Arts alors qu'il avait échoué. Cette vie dorée de Lui avec Mylène n'était-elle pas aussi un mensonge, mensonge du confort, mensonge d'être pour la vie à l'abri de tout sauf de l'ennui ? Roman qui met en relief les fameuses deux possibilités que Hitler voyait toujours, se faire battre (comme le petit Adolf se faisait battre par son père très froid et sans cesse soucieux que tout soit en ordre, à sa place y compris son fils, et comme il se fit battre par les grands chefs occidentaux après les avoir défiés) et en même temps être victorieux (Hitler chef éblouissant du jeune peuple allemand mis en ordre et au pas, Hitler défiant le monde entier, puis aujourd'hui la puissance de la Grande Allemagne et de sa zone mark, la victoire planétaire d'un style de vie nature et cool qu'aimait et promouvait Hitler, et dans ce roman le très ambigu intérêt du Mossad israélien pour la réincarnation d'Adolf Hitler, intérêt justement pour la mise en acte des deux possibilités et pour cet entre-deux dans lequel le héros dictateur-initiateur du rôle perdure anonyme au sein de son peuple mondial ébloui de confort cool).
Lui, après le départ de Mylène, qui s'avère à la fin définitif en même temps qu'elle est enceinte d'un autre homme, se rend chez une hypnotiseuse. Sous hypnose, il dit, en allemand, langue qu'il ne connaît pas, des discours deHitler prononcés à Munich avant 1935, Munich ville où Hitler connut le sentiment éblouissant de sa victoire. Lui s'avère la réincarnation d'Adolf Hitler. Alors que jusque-là, il était ardemment contre le racisme et le nazisme, et installé dans son confort bien sûr. A partir de là, il intéresse le Mossad israélien, dont peu à peu le roman nous révèle que le psychanalyste Durand, le professeur Strauss spécialiste en hitlérologie, sa fille Hanna, sont des membres. Comme si, dans le roman, le Mossad, en fin de compte, tenait à prendre de la graine de son ennemi numéro un, de même qu'Hitler prit de la graine, pour sa propagande nazie, de ses ennemis les bolcheviks. Perdre et gagner en même temps. Secrètement.
Pèlerinage hitlérien qui commence. Braunau ville de naissance d'Adolf Hitler, Vienne, bref l'Autriche où après avoir perdu son père Adolf hérite de la liberté de ne pas avoir à être comme lui un fonctionnaire n'en revenant pas de sa vie si confortable à l'abri de tout, et où, après avoir perdu sa mère et donc tout perdu en même temps que l'échec à l'Académie, il hérite de la souveraineté parce qu'il se rend compte que, contrairement à son père et contrairement aux Juifs il n'a pas peur, il n'a pas peur de la pauvreté et il n'a pas peur de tout perdre. Hitler, le héros nazi qui se fait battre et bat en même temps secrètement, qui perd et gagne. Et qui, dans ce roman d'initiation très particulière, retrouve sa mère à travers un style de vie nature, sportive et écologique réservée bien entendu à un peuple élu situé du bon côté dans le village planétaire, la mère deHitler adorant regarder son fils gambader, jouer, être artiste, aquarelliste, et son père, mine de rien, à travers l'intérêt très curieux du Mossad israélien pour lui, son père Aloïs qui aurait un père, inconnu, d'origine juive.
Ce roman de Patrick Besson est plus qu'un roman. Nous y entendons que son auteur est pour lui-même très sensible à l'extrême ambiguïté et complexité humaine, qui se manifestent dans la configuration actuelle de la zone mark, de la position d'Israël, dans un style de vie planétaire qui semble résulter d'une étrange mise au pas, tout ceci ancrant son secret dans la période nazie, laquelle n'en continuant pas moins d'opérer par-delà le refoulement de la génération qui ne l'a pas connue. Mine de rien, c'est un livre dérangeant de vérité.

Alice Granger


4 Partage(s):

Alcib a dit...

Il y avait plusieurs années que je retardais le moment de lire un roman de Patrick Besson. Puis j'ai connu Philippe Besson, par son roman « En l'absence des hommes » ; depuis, je lis les romans de Philippe Besson. Or un jour, il y a quelques mois, en prenant un roman de Philippe Besson, j'ai pris aussi un roman de Patrick, qui état sur le même rayon... Je ne me souviens même plus du titre, qui m'avait pourtant séduit ; je me suis forcé pour aller au bout de ce roman et je ne me souviens même plus si j'y suis arrivé. Je me suis tout de même fait une idée : je ne crois pas être fait pour les romans de Patrick Besson. Je crois que c'est une question de tempérament, de caractère, de sensibilité... Alors qu'avec Philippe Besson, je suis séduit à chaque fois.

Alcib a dit...
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Alcib a dit...

C'est moi qui ai supprimé le message précédent, qui s'était affiché en double.

khoyot a dit...

Mais je ne parviens pas à dire que je n'ai pas aimé. Voilà quelques jours que je l'ai achevé et ce sentiment ne me quitte pas, je reste entre deux eaux, en apprenant que Patrick Besson était communiste, j'ai eu, je l'admets, un regard plus indulgent sur son oeuvre, mais je reste malgré tout dérangé. Je crois que je vais m'atteler à la lecture d'un ou de plusieurs autres romans de l'auteur, histoire de me faire une idée plus précise. Ceci dit, je partage évidemment ton avis en ce qui concerne Philippe Besson !