Il piacere

Il est arrivé jeudi après-midi. Pour ne rien changer à mes habitudes, j'étais en retard à la gare, plus en retard encore que son train. Indécrottable retardataire que je suis. Je l'ai vu. Nous nous sommes souris et là, le désir de le prendre dans mes bras ne m'a plus quitté. Je n'avais pas de stress particulier, non, presque du détachement mais sa présence, son odeur, son regard ont fait de moi le plus soumis des amants. Nous sommes partis à la recherche d'une Sofia que je désirais tant, avons fait les supermarchés les plus infâmes pour qu'elle ne manque de rien puis nous sommes rentrés,... enfin! Trois jours sans rien faire d'extraordinaire. Trois malheureux petits jours de rien du tout, à ne rien faire de précis, à casser tous les plans que j'avais pu imaginer, trois jours sans me poser de questions, juste trois jours près de lui, lui à mes côtés. Trois jours à savourer, sans jeu particulier, juste à déguster. J'aurais voulu faire plus mais me suis surpris à voir à quel point il s'était naturellement glissé dans mon quotidien. Sa présence en mon antre relevait de la logique et du bon sens même. Une telle aisance a fini de me surprendre. Moi, l'ours mal lèché, j'avais laissé pénétrer l'autre dans mon intimité la plus complète sans m'en sentir déforcé. Il était là et c'était bien. J'ai aimé le regarder dormir, l'entendre ronfler même m'a ému. Lui qui s'est installé ici a su me conquérir. Il est reparti comme prévu. Il est retourné d'où il venait, là-bas, au loin. Qu'importe la distance. Je n'éprouve ni regrets ni remords et ne me torture guère de l'avenir. S'il devait disparaître à jamais, je sais désormais que ces trois petits jours ont valeur d'éternité.